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Éric Vallée, SET Environnement : « Nous sommes des pompiers de l'infiniment petit »







18 Septembre 2014

Coincés entre l’héritage de fabricants d’amiante ou d’autres substances toxiques, qui ont depuis longtemps mis la clé sur la porte, et des exploitants de bâtiments pollués qui rechignent à financer des travaux souvent colossaux, les spécialistes de la dépollution n’ont pas forcément un rôle facile. Soucieux d’éviter les amalgames, Éric Vallée, dirigeant de la société de désamiantage SET Environnement, nous explique les spécificités et les contraintes de son métier.


Peut-on venir réellement à bout de l’amiante et des autres polluants sur lesquels vous intervenez ?

A partir du moment où la production d’amiante et de biens manufacturés amiantés a été stoppée, nous avons la certitude que le stock d’amiante en circulation n’augmentera plus. Par contre, pour ce qui est de l’amiante actuellement en place au sein des bâtiments, le retrait complet exigera de venir au terme de l’ensemble des cycles de vie des bâtiments on infrastructures concernés. Ces cycles sont très longs, mais nous en viendrons un jour au bout. Etant donné que certains pays continuent de produire de l’amiante, il n’est pas exclu que notre activité prenne un jour une dimension internationale, même si pour l’instant nous travaillons exclusivement en France, sur la base de la législation française et d’une certification française.

Il ne faut pas oublier par contre que l’amiante est un produit naturel et donc présent par endroit dans l’environnement, sans action de l’homme. Cela peut par exemple poser problème en Corse où les fondations de certains bâtiments sont bâties en creusant des roches amiantées naturellement. Le cas s’est aussi présenté lors de percements de tunnels dans les Alpes : des veines d’amiante naturelle ont été traversées à cette occasion.
Fibres d'amiante / Crédit : Wikipedia (cc)
Fibres d'amiante / Crédit : Wikipedia (cc)

Les chantiers de dépollution durent souvent plus longtemps que prévu. La complexité de la tâche est-elle systématiquement sous-estimée ?

Le désamiantage reste un métier jeune, avec à peine deux décennies de retours d’expérience. Les maitres d’ouvrage comme les décideurs ont mis du temps à acquérir une véritable culture de l’amiante. Mais cette culture commence à se diffuser, et les entreprises progressent dans leurs capacités à cerner les contours des chantiers et à se préparer en fonction. La complexité de la tâche est donc de mieux en mieux appréhendée, de même que les délais nécessaires à la réalisation des chantiers.

En outre, il ne faut écarter de ce raisonnement toutes les contraintes extérieures aux chantiers : actions des pouvoirs publics, actions judiciaires entre gérants et/ou occupants de bâtiments, mauvais diagnostics initiaux… Tous ces éléments contribuent à la perception de chantiers plus longs que prévu, sans que nous puissions pour autant y changer quoi que ce soit.

Nous concernant, le fait de pratiquer ce métier depuis sa création nous confère un avantage indéniable en termes de définition des délais sur un chantier : avec plus de 2200 chantiers réalisés, nous commençons chez SET Environnement à avoir une bonne expérience des aléas, des risques et des moyens à mettre en œuvre. C’est une des raisons pour lesquelles les délais de réalisation que nous donnons initialement sont la plupart du temps respectés. Nous bénéficions également de l’expérience accumulée par nos personnels, dont certains sont avec l’entreprise depuis ses débuts.

Certains chantiers sont réalisés dans des bâtiments encore en activité. Ne serait-il pas possible ou souhaitable de procéder autrement ?

La décision de poursuivre l’activité dans des bâtiments en cours de désamiantage est le résultat d’un compromis, entre le risque économique de stopper l’activité et les nuisances générées par le chantier. Compte tenu des mesures d’isolation mises en place sur nos chantiers, la question n’est pas tant celle de la sécurité des usagers que celles de la possibilité ou non de stopper l’activité.

Si on prend l’exemple d’un hôpital de province, la question est la suivante : peut-on prendre le risque de fermer totalement cet hôpital pendant la durée du désamiantage ? A partir de là il est nécessaire pour nous de hausser le niveau d’exigences de sécurité pour compenser le fait de travailler en sites occupés. Cela signifie des chantiers plus complexes et parfois plus longs. Mais nous avons bâti notre réputation de « pompiers de l’infiniment petit » sur notre capacité à mener les chantiers les plus complexes dans des conditions optimales de sécurité. Si la législation définit déjà de manière très précise les moyens à mettre œuvre sur un chantier, la valeur ajoutée de SET Environnement réside dans sa capacité à aller au-delà des exigences règlementaires et de pousser la sécurité plus loin par sa connaissance du métier, son expérience et la qualité de ses salariés. Nous avons un turn-over très faible de manière générale, et quasiment nul concernant les postes d’encadrement.

Quelles sont les contraintes qui pèsent sur les chantiers ?

Nous faisons partie des très rares professions qui ont une obligation de certification pour pouvoir exercer. Pour conserver cette certification, nous sommes audités régulièrement et de manière impromptue sur nos chantiers. Si l’auditeur constate un manquement grave à une obligation, nous pouvons nous voir retirer notre certification, ce qui signifie l’arrêt immédiat de l’ensemble des chantiers. Pour des entreprises travaillant exclusivement dans le domaine du désamiantage, cela revient bien souvent à mettre la clé sous la porte. Mais ce n’est pas tant une contrainte qu’un cadre très strict, qui nous incite au maintien de très hautes exigences de sécurité, sans jamais céder à la facilité.

Nous sommes par ailleurs tenus de déclarer tous nos chantiers aux organismes publics et en particulier à l’inspection du travail. Cette dernière est particulièrement vigilante à l’égard des entreprises du désamiantage et elle se déplace très régulièrement sur nos chantiers. Nous faisons sans aucun doute partie des secteurs d’activité les plus contrôlés par l’inspection du travail.

Comment vous assurez-vous de la sécurité de vos salariés et des résidents ?

Nous commençons par mettre en place tous les moyens exigés par la règlementation, sans hésiter toutefois à y adjoindre les moyens supplémentaires qui nous paraissent nécessaires à la parfaite exécution du chantier. Ces moyens seront mis en œuvre sur place par des personnels formés, qualifiés et compétents pour exercer l’activité en toute sécurité. A cela s’ajoutent plusieurs dispositifs de contrôle interne permanents et des mesures régulières de la qualité de l’air dans et hors du chantier. Cela nous permet de nous assurer en temps réel que les mesures de protection sont adaptées aux risques encourus.

Les a priori peuvent être nombreux concernant les métiers de la dépollution. Comment valorisez-vous votre métier et « rassurez-vous » les candidats ?

En tant que dirigeant, ne serait-ce que d’un point de vue purement éthique, je ne peux pas tolérer que l’activité exercée par mes salariés ait des conséquences néfastes sur leur santé ou leur état physique. Cette philosophie et cette forte conscience morale étaient déjà celles du fondateur de SET Environnement, Roland Sonnet. Elles font parties des raisons pour lesquelles j’ai décidé de rester et de m’investir autant dans l’entreprise.

C’est aussi pour cela que je m’attache à donner à mes salariés tous les moyens nécessaires pour une protection optimale, tout en valorisant leur travail. Cela passe par les formations que nous dispensons ou encore par l’accompagnement social autour des chantiers. J’ai à cœur que les personnels travaillant pour SET Environnement soient fiers du métier qu’ils exercent, d’une part parce que c’est un métier utile à la collectivité, et d’autre part parce qu’ils le font bien. J’ai pu constater combien nos salariés sont fiers de montrer leur savoir-faire devant un client, un auditeur ou un inspecteur du travail lors d’un contrôle.

Pourquoi avoir décidé de reprendre l’entreprise en 2014 ?

C’est avant tout une histoire de parcours professionnel, qui m’a amené à entrer jeune dans une entreprise avec des valeurs très fortes, en termes de management et de considération des salariés, et dans lesquelles je me suis totalement retrouvé. L’utilité sociale du projet d’entreprise m’a tout de suite fait adhérer à cette conception du métier. C’est aussi le résultat de la rencontre avec un entrepreneur du bâtiment d’exception, qui a d’une part créé une structure d’une très grande qualité, mais qui a d’autre part eu la volonté et l’intelligence de prévoir et de préparer une transmission avec le jeune cadre que j’étais dans les meilleures conditions possibles.