NLTO
/ Magazine d'actualité politique, économique et internationale /




Olivier Wathelet, l'anthropologue du groupe Seb







14 Mai 2013

Dès 2006, les importations de produits électroménagers chinois augmentent considérablement. À un tel point, que les plus puissants industriels de l'électroménager français ont vu leur chiffre d'affaires s'effondrer. Le groupe Seb quant à lui, était contraint de fermer plusieurs usines françaises en 2006, mais aujourd'hui, le groupe se porte mieux que jamais, et ce, malgré le contexte de crise mondiale. Un succès que Seb doit à sa politique d'innovation, dans laquelle l'anthropologue Olivier Wathelet tient une place de premier ordre.


Prédire les usages grâce à l'anthropologie

Olivier Wathelet, l'anthropologue du groupe Seb
Le recours à l'anthropologie est courant dans les entreprises anglo-saxonnes, mais en France, Seb est un cas particulier. Pourtant, l'anthropologie est une discipline on ne peut plus utile pour se distinguer de la concurrence. En étudiant le comportement des consommateurs dans leur cuisine, et en observant les habitudes de consommation de ces derniers, Olivier Wathelet, l'anthropologue du groupe Seb, a ainsi pu prédire des scénarios d'usage. Par exemple, Olivier Wathelet a constaté que dans la plupart des pays, les individus sont devenus très attentifs à leurs alimentations. Puisque l'obésité fait des ravages un peu partout dans les pays développés, l'idée de fabriquer une friteuse fonctionnant sans huile est apparue. Un véritable succès, car cette friteuse, l'Actifry s'est rapidement imposée comme un produit incontournable. Malgré son prix élevé, il s'en est vendu plus d'un million d'exemplaires à ce jour. Toujours grâce aux rapports d’Olivier Wathelet, Seb a décidé de produire un fer à repasser sans fil, un aspirateur totalement silencieux, et bien d'autres produits innovants, qui chacun, rencontrent un succès phénoménal auprès des consommateurs. Et pour cause, au-delà de la qualité des produits Seb et de leur caractère innovant, ils permettent, grâce aux études anthropologiques d’Olivier Wathelet, de répondre à des besoins très spécifiques. L'anthropologue oriente les réflexions de manière stratégique, en intervenant directement dans le processus d’innovation permettant ainsi à Seb de résister aux produits chinois.

Seb résiste aux produits chinois

Seb, numéro un mondial du petit électroménager et des articles culinaires, n'a pas toujours connu son succès d'aujourd'hui, notamment en 2006, alors que l’explosion des produits chinois tirait sans cesse les tarifs vers le bas. Impossible dans ces conditions, de continuer à produire les produits d’entrée de gamme sur le territoire français, à cause des coûts d'exploitation beaucoup trop élevés. Ainsi, Seb devait fermer trois sites de production français en 2006, dans le Jura, les Voges, et la Sarthe. Ces fermetures ont entrainé le licenciement de plus de 400 salariés, et le mécontentement des syndicats, mais selon Harry Touret, DRH du groupe Seb, conserver une production française pour des produits de conception simple, était peine perdue. Pour convaincre les syndicats, Harry Touret a même amené avec lui, jusqu’en Chine, des délégués syndicaux, pour qu'ils se rendent compte par eux-mêmes, qu'une usine française ne pouvait pas produire moins cher qu'une usine chinoise. Mais la pénétration des produits chinois a permis à Seb d’affirmer sa conviction de l’importance de l’innovation. En effet, la nouveauté, quelle soit relative au design, à l’usage, ou encore aux fonctions du matériel électroménager, est génératrice de marges supplémentaires. C’est donc grâce à ses investissements colossaux en recherche et développement que le groupe a su résister à la concurrence chinoise.

Le secret de Seb : l'innovation

Bertrand Neuschwander, directeur général adjoint du groupe Seb, affirme que pour assurer la pérennité des usines françaises du groupe, l'innovation est la seule solution. Cette dernière permet en effet de lutter efficacement contre le "toujours moins cher ", car admet la création de produits anticipant les besoins et les envies des consommateurs. Ces derniers sont donc disposés à payer plus cher pour avoir un appareil au design moderne, ou une friteuse de dernière génération, etc. Les marges étant plus importantes, les sites de production français restent donc rentables. De plus, sachant que sur les tarifs, les Chinois sont imbattables, il est apparu évident que seuls le savoir-faire français et l'innovation pouvaient faire la différence. Le groupe Seb a donc décidé de renforcer ses acquis en matière de recherche et développement, car si l'innovation a toujours représenté un levier de compétitivité, son importance est aujourd'hui devenue capitale. Preuve en est des chiffres du groupe, car en investissant quelques 130 millions d’euros chaque année en R&D, Seb a pu sortir en 2011, pas moins de 250 nouveaux produits et modèles, dont les ventes ont permis de dégager un chiffre d'affaires de 3,9 milliards d'euros, avec une marge avant imposition, de 11 %. Une véritable performance sachant qu’une bonne part de la production est localisée en France.

L'importance du made in France

Ce n’est pas un hasard si Seb a limité les délocalisations, car pour créer des produits innovants, il n’y a pas meilleur foyer que la France. Le made in France représente d’ailleurs un levier de vente des plus efficaces, car produire en France, signifie produire du haut de gamme, de la nouveauté, et de l’inédit. Ainsi, dans sa politique de développement, Seb n’a pas omis d’estampiller tous ses produits du drapeau français, pour mieux attirer les consommateurs étrangers. Ces derniers permettent d’ailleurs à Seb de réaliser 80 % de son chiffre d‘affaires, alors que 60 % de sa production est localisée en France. Alors, le groupe n’hésite pas à implanter des laboratoires de recherche, directement sur ses sites de production, afin de favoriser la réflexion collective sur d’éventuelles améliorations ou innovations. Ainsi, des designers, des étudiants, des professeurs, des chercheurs, et même des cuisiniers travaillent dans les usines de Seb. Et le groupe est allé encore plus loin dans sa stratégie d’innovation, en sollicitant les conseils d’Olivier Wathelet. L’incorporation de ce dernier dans les équipes de Seb aura permis au groupe de prendre plusieurs longueurs d’avance sur ses concurrents. Olivier Wathelet a d’abord travaillé pour Seb, comme consultant pendant trois ans, et le fruit de son travail lui a valu d’être incorporé définitivement. Aujourd’hui, il sillonne les cuisines des ménages du monde entier, et passe tout son temps à étudier les gestes en cuisine, les ingrédients utilisés, etc.