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La France pense t-elle encore ?







19 Juin 2015

On pensait en avoir fini avec le « French Bashing ». Que nenni ! Cette fois-ci, c’est le quotidien britannique « The Guardian » qui se demande où sont passés les grands penseurs Français ?


Jean Jullien
Jean Jullien
Est-ce que la France pense encore ? C’est en substance ce que le Guardian se demande dans un très sérieux éditorial. Bonne ambiance. Le quotidien britannique se pose en effet cette question : où diable, sont passés les grands penseurs et intellectuels Français ? Avant de jeter ce pavé dans la marre, le quotidien prend bien soin de citer ce qu’il considère comme les « grands penseurs Français » : Voltaire, Rousseau, Sartre et Beauvoir à titre d’exemple. Même, Le Guardian rappelle que c’est nous, les Français, qui avons inventé le terme d’intellectuel. Un mot qui persiste aujourd’hui. Mais à en croire le quotidien britannique, il ne serait plus incarné par personne. Pire, il avance un jeu de mot sans ambivalence dans la langue de Shakespeare : un genre de « de la rive gauche à être laissé derrière » ou « de la rive gauche à la dérive ». From Left Bank to left behind, en Anglais dans le texte.
 
Avant le Guardian, le New York Times l'avait fait. Le Financial Times aussi, pas plus tard que la semaine dernière, avec sa charge contre les taxis parisiens. C’est donc au tour du journal britannique de tailler un costard à la société française. Incapable, selon son éditorialiste Sudhir Hazareesingh, de faire émerger de « grandes pensées nouvelles », rapporte Le Figaro. De Paris ? Rien, à part des macarons et des carrés Hermès. De Saint-Germain des Près ? Des sacs Lady Dior. Pour Sudhir Hazareesingh, « les pensées françaises ne sont plus une référence. Aucune des révolutions sociales récentes, que ce soit la chute du communisme dans les pays d'Europe de l'Est ou les révolutions arabes, ne se sont inspirées de la tradition française. » Certes. Mais pas plus de Londres ou de Berlin. Ainsi, « La philosophie française, qui a enseigné au monde entier l'importance de la raison avec des doctrines audacieuses, comme le rationalisme, le républicanisme, le féminisme, le positivisme, l'existentialisme ou le structuralisme, n'a aujourd'hui plus grand-chose à offrir », précise l’éditorialiste.
 
La faute à qui ? À un autre « isme » ! Le pessimisme, cause de tous les maux. Le pessimisme d’ailleurs, découle du postmodernisme, explique Sudhir Hazareesingh. Parmi tous ces tropismes, le principal est donc le pessimisme, qui nous entraîne là où nous sommes. Pour corroborer sa thèse, le journaliste anglais cite quelques exemples. Les essais qui se vendent le mieux en France ? L'identité malheureuse d'Alain Finkielkraut et le Suicide Français d’Éric Zemmour ! Les romans ? Michel Houellebecq et son Soumission, à ne pas laisser entre toutes les mains, surtout si elles sont dépressives ! Dans la même veine, à la rentrée, on va entendre parler de Ressources inhumaines de Frédéric Viguier, (Albin Michel), du Renversement des pôles de Nathalie Côte, (Flammarion), ou encore de Sophie Divry et son Quand le diable sortit de la salle de bain (Notabilia). Bientôt, ces romans feront l'objet d’un papier dédié. En attendant, la « comédie » sociale ou sociétale inspire. Quand bien même, invite Sudhir Hazareesingh, il faut se méfier car « un retournement de situation est toujours possible : la régénération est l'un des mythes fondateurs de la culture française. » Ah. Et l'économiste Thomas Piketty ? C’est pipi de chat ? Non, c'est régénération.

http://www.theguardian.com/books/2015/jun/13/from-left-bank-to-left-behind-where-have-the-great-french-thinkers-gone