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James Bond, Tarzan et les autres: Pierre Fayard décrypte 12 stratégies pour séduire







5 Juillet 2016

Qui n’a jamais rêvé de troquer son sex-appeal pour celui de James Bond ? Grâce à « Douze stratégies pour séduire. Quand la séduction fait son cinéma », la vérité sur la séduction de l’agent secret n’aura plus de secret !Pour son douzième livre, l’auteur nous invite à un voyage résolument original qui célèbre un art aussi vieux que le monde, le jeu de la séduction ! His name is Fayard, Pierre Fayard. Rencontre.


Votre ouvrage « 12 stratégies pour séduire. Quand la séduction fait son cinéma » mêle deux domaines que l’on pourrait penser éloignés : la séduction et la stratégie. L’art de la guerre et de la séduction seraient-ils similaires ?

À la fois similaires et très différents. Similaires parce qu’ils impliquent des volontés en interaction, mais différents parce que la séduction ne peut résulter d’un usage de la violence ou simplement de la force. La contrainte y est étrangère. D’une manière ou d’une autre, c’est au partenaire qu’il revient de dire oui… ou non. Qui s’engage dans une entreprise de séduction doit faire en sorte que son issue soit positive. Cela suppose un travail relationnel d’intelligence qui implique imagination et sens de l’adaptation. Pour paraphraser le stratège chinois Sun Tzu, connaitre l’autre comme soi-même est une nécessité pour se procurer un avantage, savoir où et quand s’engager, ou bien ne pas le faire. Depuis que le monde est monde, la séduction fait partie intégrante de la stratégie. Influence, manipulation, intoxication et plus généralement ruses, stratagèmes et autres manigances ne sont pas concevables sans mobiliser l’art de la séduction.

Pourquoi avoir choisi de décrypter des mythes cinématographiques ?

Les mythes captivent. Ils traduisent des réalités profondes de l’âme humaine et ce que l’imagination a de plus débridé, et dans la séduction son rôle est capital. Parfois, on s’engage à séduire sans se rendre compte qu’une mythologie cinématographique nous anime en toile de fond. Le cinéma ne se limite pas aux salles obscures, il contamine abondamment la vraie vie. Au delà de leur aspectcaricatural, des répliques emblématiques comme T’as d’beaux yeux tu sais, Moi Tarzan toi Jane, ou Bond James Bond… parlent à tout le monde. Dans sa vie quotidienne chacun peut en envisager une déclinaison adaptée. Et puis, séduire c’est comme entrer dans une fiction à laquelle on s’efforce de donner vie. Derrière tout cela se profilent des stratégies que j’ai voulu rendre explicites, étape indispensable pour proposer ensuite des contres stratégies.

Vous développez, entre autres, la figure de James Bond. En quoi consiste la stratégie de séduction par la prédestination, puisque c’est ainsi que vous le décrivez ?

Je vais peut être vous décevoir, mais ce personnage créé par Ian Fleming incarne, à mon sens, l’absence même de stratégie. Pourquoi ? Parce qu’elle y est superflue, non nécessaire ! En anglais, la traduction littérale de Bond est lien, ou encore obligation, et ce n’est sans doute pas le fait du hasard. Amies ou ennemies, toutes les femmes qui entrent en scène deviennent, tôt ou tard, les obligées de James Bond. Tout le monde sait qu’il en va de leur destin cinématographique, et le scénario va le démontrer. La seule incertitude est le et quand, à la limite le comment, mais ce héros british est trop prude pour détailler.

Sans surprise, les films agencent un cocktail d’arguments de séduction à peu près constants : puissante voiture, Champagne Bollinger, cocktails, palaces, smoking, course poursuite, gadgets et explosifs… Derrière les apparences de cette séduction prédestinée se profile l’omnipotence des beaux restes de l’Empire Britannique et de ses alliés qui, avec le Bond, remettent au final les pendules à l’heure impériale. Tout au plus, les héroïnes prévaricatrices pourront se racheter par leur sacrifice après avoir été mises dans la bonne direction par deux fois zéro avant le sept. Bond est un agent du Soft Power anglo-saxon.

Comment expliquez-vous que 007 s’impose encore aujourd’hui parmi les séducteurs mythiques ?

cc/pixabay
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Sans jeux de mots, parce qu’il incarne une sorte de baguette magique mythique de séduction. À peine a-t-il besoin d’annoncer la couleur, Bond James Bond, pour que sexe s’en suive dans l’heure et demi du film. C’est proprement miraculeux. Imaginez qu’il suffise d’énoncer son nom agrémenté de son prénom pour concrétiser une relation ! Cette mécanique sans risque fait rêver. Bond est un conte dont la féérie séduit. On veut y croire même si tout indique que les dés sont pipés, que tout y est sous contrôle, écrit d’avance.
L’agent 007 est un super mâle pour qui se pâment toutes les femelles qui passent à sa portée, mais qui, en sus, combat victorieusement les Entreprises du Mal qui sont contraires aux intérêts de sa Gracieuse Majesté d’Outre-Manche. Les prévaricateurs finissent généralement dans les flammes de l’enfer qu’ils ont contribué à allumer. Le spectateur sort alors rassuré, et Bond va jouir en toute légitimité d’un repos du guerrier mérité. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes régulés par l’Empire des British.

Tarzan, quant à lui, adopte une stratégie de séduction différente. Qu’elle est-elle ?

Il s’agit là de séduction biologique, en rut majeur dans sa version primate de Moi Homme + toi Femme = etc, ou encore Hey Jane, laisse parler tes gènes, la nature ou l’ordre des choses. Dès lors qu’une complémentarité est constatée, elle doit être suivie d’effet immédiat. Tarzan s’y soumet, et invite Jane à l’imiter car il en va de la survie de l’espèce, d’un impératif indiscutable et immédiat. Les déclinaisons tacites de Moi Tarzan, toi Jane… sont multiples. Moi chef + toi subalterne = obéir, ou encore moi vendeur + toi client = acheter… Toutes se caractérisent par une absence de choix.

Contrer une telle stratégie frontale passe par un élargissement et une complexification du théâtre de la rencontre dans l’espace et le temps. Tant que les protagonistes demeurent sur la branche, l’avantage penche du coté du primate. Pour contrer cette stratégie sans résistance frontale, Jane doit temporiser. Elle prendra l’initiative de la définition des termes de la relation en promettant un plus, un ailleurs ou un mieux. Dans la jungle moderne, cela se traduirait par un on va chez toi, ou tu m’emmènes à l’hôtel ? Alors l’initiative change de main.

Quelle est selon vous la stratégie la plus « efficace » pour séduire aujourd’hui ?

Les modèles contondants de Tarzan et de Bond ne sont pas des plus délicats. Ils relèvent plus de l’industrie que d’un artisanat créatif et sur-mesure. Les capacités de séduction y sont posées comme indépendantes de la particularité des situations. À l’inverse, des stratégies indirectes vont s’étayer sur les éléments porteurs de l’environnement, et faire de l’autre un allié pour sa conquête de l’intérieur. Cette stratégie se retrouve dans des films comme In the Mood for Love (Wong Kai-Wai) ou Le Port de l’Angoisse (Howard Hawks).

J’ai un faible pour Sherlock Holmes dans sa version de détective destroy newyorkais de la série Elementary. Ce consultant dragueur d’indices combine magistralement sensation et raison, induction subtile et déduction encyclopédique à l’aide de son smartphone. En s’invitant sur les scènes de crimes sans schémas préconçus, Holmes ne livre aucun point d’appui à la résistance ou au contre. Il épouse les signes sans les contraindre par des a priori qui les rendraient muets. En faisant cause commune sensuellement et intellectuellement avec le crime, il l’invite à exprimer sa vérité sur la page blanche qu’il lui tend. Et c’est ainsi qu’il le séduit et le révèle !

Ces stratégies fonctionnent sur grand écran. Ne sont-elles pas un pur fantasme dans la réalité ?

Les fantasmes sont-ils coupés de la réalité ? Pourquoi va-t-on au cinéma se repaitre de scénarios parfois si improbables ? Sur quoi fonctionne la publicité ? Sur la banalité d’une routine quotidienne ? Certainement pas ! Gaston Bachelard dans son livre L’eau et les rêves, soutenait que l’on ne convainc bien qu’en suggérant, ou en ouvrant, des allées de rêves. Qu’est-ce que la réalité sans l’imagination ? Qu’est-ce que le mythe sans l’émotion et l’écho qu’il éveille ? Qu’est ce que la séduction sans une part de hasard, d’inconnu et de risque ? Tout cela, on le retrouve au cinéma. À nous de nous enrichir, de nous en inspirer avec inventivité, et l’analyse stratégique peut nous y aider.

Pierre Fayard
Pierre Fayard
Pierre Fayard est Professeur des universités à l’Institut d’Administration des Entreprises de Poitiers. Titulaire d'un doctorat en sciences de l'information et de la communication de l'Université de Grenoble III, il fut détaché pendant huit ans au Ministère des Affaires étrangères comme directeur général du Centre Franco-Brésilien de Documentation Scientifique et Technique à São Paulo, puis comme Conseiller de Coopération et d'Action Culturelle à l'Ambassade de France au Pérou.
 
Spécialiste de Sun Tzu, ce passionné d'écriture est auteur de chansons, de nouvelles, de polars et d'ouvrages académiques (13 éditions étrangères) sur la stratégie. Il est notamment l’auteur d’ouvrages de stratégie (La Force du Paradoxe. En faire une stratégie ? Avec Éric Blondeau. Paris Dunod 2014, Comprendre et appliquer Sun Tzu. 36 stratagèmes de sagesse en action. 3e édition. Paris, Dunod 2011) ainsi que d’ouvrages de fiction (Vacuum. La Fée à l’envers, Montréal, ÉLP Éditions 2015, L’Affaire Manga 3D Paris, Neowood Éditions 2014).

Douze stratégies pour séduire. Quand la séduction fait son cinéma

Qui n’a jamais rêvé de séduire à la James Bond à la simple évocation de son nom agrémenté de son prénom (My name is Bond, James Bond), ou rondement en désignant les parties prenantes nécessaires et suffisantes à l’union (Moi Tarzan, toi Jane donc…), ou par le duende d’un imparable Absolute dating flamenco ? Si derrière ces figures mythiques, les stratégies sont rarement explicites, l’ambition de ce livre est de les formaliser et d’évaluer les conditions de leur efficacité.
 De la jungle profonde d’une île du Pacifique à Séville en passant par Sao Paulo et New York où Sherlock Holmes peut côtoyer Sun Tzu et Clausewitz, Hong Kong (La séduction d’ambiance) et Paris (T’as d’beaux yeux tu sais), cet essai décrypte avec humour et insolence les manœuvres qui sous-tendent douze scénarii emblématiques. En s’arrogeant de grandes marges de liberté pour les interpréter, il s’aventure à proposer des alternatives pour les contrer en s’inspirant de grands classiques asiatiques et occidentaux de la stratégie.
 

Editions VA Press / 150 pages N&B / 1ère édition (2016)
ISBN 979-10-93240-12-1
Prix net : 17,90€ TTC
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