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Internet et les commentaires truqués







1 Juin 2015

Les faux commentaires pullulent sur Internet. Escrocs, contrefacteurs, qui se cache derrière ? La rubrique « Pixels » du Monde s’est penchée sur la question. Opaque.


Internet et les commentaires truqués
C’est une galaxie trouble. Comme celle du Deep Web mais dans un autre registre. Il ne s’agit pas de paris truqués non plus, mais des faux commentaires d’internautes qui inondent le Web. Qui se cache derrière ? C’est la question à laquelle la rubrique Pixels du Monde a tenté de répondre. Et là, quand on se penche sur le sujet, il y a de tout et n’importe quoi : des commanditaires, des exécutants exploités, des sociétés spécialisées dans l’e-réputation, des sous-traitants à l’autre bout du monde et beaucoup d’illégalité… Avant tout, « Il s'agit d'une publicité déguisée, donc trompeuse » précise la DGCCRF, la Direction générale de la répression des fraudes. Surtout, les techniques, vieilles comme le monde, se professionnalisent de plus en plus.
 
Mais d’abord, qui met en ligne ces commentaires biaisés ? À peu près tout le monde, ce qui ne facilite pas leur détection ! Il y en a sur les blogs, sur Tripadvisor, sur Amazon, sur Facebook, sur YouTube... En gros, partout où on peut donner son avis. Le domaine du tourisme en serait truffé. Ces opinions truquées sont de faux avis positifs qui vantent un hôtel, un restaurant, un produit, un service… Ou des avis négatifs pour tenter d’écraser la concurrence. Dans tous les cas, l’enjeu est grand : les avis conditionnent de plus en plus l’acte d’achat sur Internet, jusqu’à 91% selon BVA. En France, les faux commentaires représentent près de 30% des avis de consommateurs, d’après la DGCCRF, parfois plus, comme en 2013, à hauteur de 45%.

Via sites et forums, Le Monde a enquêté à travers cette galaxie opaque. Essayé d’y voir clair entre les rédacteurs, ceux qui passent les commandes, ceux qui les publient. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette enquête a fait voyager la journaliste Morgane Tual, même si virtuellement ! Parce que ce que l’on lit en France, n’est pas forcément écrit ici, mais là-bas, par des « prestataires » souvent asiatiques selon elle. Parfois aussi, les commentaires élogieux, le « contenu positif » comme le dit Le Monde, émanent d’agences d’e-réputation respectables, qui ont « pignon sur rue. » Plus étonnant, révèle la journaliste du Monde, l’existence de sites comme le français Acheter-des-fans.com : sa principale activité « consiste à vendre des fans sur Facebook, des followers sur Twitter et même des vues par milliers sur YouTube » !
 
Vendre, acheter des commentaires, cela représente un marché juteux. Aux États-Unis, des sociétés spécialisées dans de faux commentaires sur Amazon proposent par exemple un starter pack, soit dix avis pour cent dollars… Parfois ce sont des vendeurs de produits sur Amazon qui rédigent eux-mêmes des commentaires positifs pour vendre davantage. Parfois de vrais rédacteurs sachant écrire, à la tête de comptes « réels », les mieux payés. Parfois des bloggeurs rétribués par des marques, parfois ce sont des messages automatisés, parfois de « petites mains » au Bangladesh ou en Inde qui écrivent des volumes de post sur Twitter, Google, Yelp ou likent sur Facebook…

Dans tous les cas, les faux commentaires ont les mêmes objectifs : valoriser un commerce ou un produit, faire remonter son référencement, permettre une plus grande visibilité sur la Toile, notamment sur les réseaux sociaux et renvoyer vers un site donné… Tout cela dans la plus grande illégalité. À tel point que des mastodontes comme Amazon, s’élèvent contre ces pratiques dont certains sites ont fait leur spécialité. Aujourd’hui, la traque aux faux commentaires représente même une part grandissante de leur activité. Elle s’appuie sur des algorithmes dédiés. En attendant, les microworkers passent encore à travers les mailles du filet : ils continuent de rédiger de faux commentaires.

Internet et les commentaires truqués