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De l’exil au renseignement : La carrière de Jacques Neriah entre vengeance et diplomatie







5 Juillet 2023

Le renseignement israélien n'est pas seulement une affaire d'espionnage, c'est aussi un récit humain et complexe. Jacques Neriah, ancien officier du Renseignement militaire israélien, en est l'exemple. Dans son livre "Le Libanais", paru chez VA Éditions, il retrace son parcours, depuis son exil forcé du Liban jusqu'au cœur de la politique israélienne, aux côtés de Yitzhak Rabin. Ce témoignage, à la fois personnel et universel, nous éclaire sur les tensions et les enjeux de cette région du monde.


Comment votre expérience au Liban a-t-elle influencé votre carrière en tant qu’officier des services de renseignement en Israël ? Quels sont les défis spécifiques que vous avez rencontrés et comment les avez-vous surmontés ?

La préparation reçue au collège, la discipline personnelle, l’ordre dans la pensée et la logique et surtout ma connaissance des langues me permirent d’avancer très vite dans les rangs de l’armée. La logique inculquée et la pensée cartésienne me permirent de réussir dans mon métier d’analyste.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre relation avec Yitzhak Rabin et comment votre connaissance de la culture arabe a été un atout dans votre rôle de conseiller politique et diplomatique ?

Rabin me connaissait comme représentant la division analyses devant le gouvernement. Ce n’était pas assez pour la position de conseiller en politique étrangère et responsables des missions spéciales. On me disait que c’était comme si je vendais de la glace à un eskimo. Il fallut attendre la rencontre avec Arafat et le fait que Rabin réalisa que je pouvais communiquer en arabe avec le leader palestinien et en fait je devenais le lien direct nécessaire pour surmonter l’axe créé par Shimon Peres.

Comment avez-vous vécu la première guerre du Liban en 1982, étant donné votre histoire personnelle avec ce pays ? Comment avez-vous géré le conflit entre votre désir de vengeance et votre devoir professionnel ?

Pendant la guerre du Liban, je fus chargé d’une mission très spéciale. Ma connaissance du Libanais me permit de traverser les lignes et de réussir sans me faire dévoiler. À l’époque je n’avais aucune envie de vengeance. Celle-ci se développa quand je réalisai la tromperie des soi-disant allies chrétiens qui avaient préféré se bronzer que se joindre à l’effort israélien contre l’OLP. De plus l’épisode de Sabra et Chatila ou nos alliés chrétiens nous accusèrent d’être responsables du massacre et les insinuations que nous étions derrière l’assassinat de Bechir Gemayel avaient fait déborder le vase. Je rappelais à tous mes contacts que j’étais celui qu’on avait refusé de participer dans les entrainements militaires au collège, que ma mère avait fait faillite à cause des restrictions imposées par la police libanaise et les autorités qui nous avaient encourages a quitter le Liban. Maintenant qu’ils demandaient notre aide, parce que incapables de se protéger et de combattre, je leur rappelais leurs vérités !

À la lumière de votre expérience et de l’évolution du Moyen-Orient, comment voyez-vous l’avenir des relations entre Israël et le Liban ? Quels conseils donneriez-vous aux futurs diplomates travaillant sur cette question complexe ?

Le Liban est un marécage ou il faut se méfier de chaque petit étang. Il n’y aura pas de paix entre Israël et le Liban tant que le Hizballah contrôlera le pays et tant que les communautés qui s’opposent à l’hégémonie iranienne ne prendront les armes et seront prêtes à se sacrifier pour préserver leur liberté.