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Clint Eastwood est-il has been?







14 Mars 2013

À 82 ans et un peu moins d’une centaine de films à son actif, on ne présente plus Clint Eastwood. L’acteur et réalisateur américain demeure l’icône de l’âge d’or du western spaghetti. Aujourd’hui, il est devenu l’une des dernières incarnations du cinéma classique hollywoodien. L’ancien critique des Cahiers du cinéma Stéphane Bouquet en dresse un portrait hors des sentiers battus en prenant pour matériau la filmographie d’Eastwood de 1992 à 2012.


Clint Eastwood est-il has been?
« Eastwood a le droit à un étrange traitement de faveur, qui s’explique, me semble-t-il, par le fait qu’on a cru, et continue à croire, au fétiche. Il y a une façon d’héroïsation du cinéaste qui fonctionne à plein chez les spectateurs, comme s’ils étaient contents d’avoir encore un objet à vénérer » écrit Stéphane Bouquet. C’est à cette énigme eastwoodienne que s’attaque l’auteur dans Clint Fucking Eastwood, titre des plus provoquant qui résume tant l’atmosphère qui se dégage du cinéma direct en sans concession du réalisateur, que la fascination qu’il produit et avec laquelle il exaspère certains critiques.
 
Avec cet ouvrage, Stéphane Bouquet s’attaque à un mythe. Il en délivre un portrait sans concession à la lumière d’une analyse fine de la grammaire cinématographique de celui qui joua Blondin en 1966. Car selon Stéphane Bouquet, Clint Eastwood n’est pas le grand cinéaste tel qu’on veut bien le présenter, notamment en France.
 
Clint Eastwood a une aura. Celle de l’homme viril, du héros masculin avec toutes les forces et les faiblesses que cela comporte. Ses personnages, qu’il les incarne ou non, prennent position dans des situations qui les dépassent, et ce malgré des blessures affectives et des difficultés sociales typiquement masculines. Les personnages d’Eastwood incarnent des valeurs comme celles du patriotisme dans Gran Torino, du vivre-ensemble dans Invictus. Clint Eastwood est ainsi l’un des derniers avatars cinématographiques du rêve américain et son œuvre en est l’un des vecteurs.
 
Bien que ce rêve ne trouve aujourd’hui plus beaucoup d’écho dans le quotidien, Clint Eastwood ne demeure un cinéaste particulièrement apprécié, notamment en France. Dès lors, Stéphane Bouquet s’interroge : pourquoi ? D’après l’auteur, le succès d’Eastwood doit beaucoup à sa capacité de faire le lien entre sa personne et l’héroïsme aujourd’hui désuet qu’il continue d’incarner. Loin d’être un réalisateur universel ou de produire des films particulièrement réussis esthétiquement, Eastwood est surtout d’après Stéphane Bouquet le représentant d’un cinéma désormais rare, où des valeurs masculines côtoient des valeurs américaines auxquelles les spectateurs ne croient plus nécessairement, mais qui continuent de les fasciner.
 
À travers ce livre décomplexé, Stéphane Bouquet livre une analyse personnelle, mais extrêmement riche des la production de Clint Eastwood depuis 1992. Clint Fucking Eastwood en gênera peut-être certains parmi ceux qui considèrent que les dernières œuvres du réalisateur valent plus que des critiques en termes esthétiques. Il n’en reste pas moins que cet ouvrage aborde avec un recul déconcertant ce qui fait le succès de ce cinéma presque anachronique, et sa place aujourd’hui dans le paysage cinématographique.