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L’art africain contemporain : constantes et perspectives







4 Juin 2021

Avez-vous entendu parler de Contemporarybenin ? C’est l’expo itinérante dont parlent tous les amateurs d’arts contemporain africain. 150 œuvres, toutes réalisées par des artistes venus du Bénin, à découvrir à la Galerie Amani et à la Fondation Donwahi d’Abidjan. Faites vites, car ces trésors partent ensuite pour Cotonou, puis pour Dakar…


Nostalgies du continent perdu
 
Les raisons sont nombreuses, qui conduisent les artistes à afficher une préférence pour le retour en terre africaine des œuvres du continent. Et parmi elles, on trouve sans surprise un grand désir de reconnaissance. « C’est une forme de légitimité et d’honneur, même si le marché africain n’est pas encore un grand marché » explique ainsi Dominique Zinkpè, heureux d’exposer en Côte d’Ivoire après avoir conquis le monde entier par son art.
 
« Mon travail est ancré dans la terre de Johannesburg », proclame-t-elle fièrement. Elle, c’est Senzeni Marasela. Le 7 avril dernier, dans un entretien pour un magazine d’art en ligne, l’artiste revient sur l’importance de l’apartheid dans son œuvre. Révélatrice de l’expérience obsédante du racisme et de la stigmatisation des femmes, y compris au sein de la culture africaine, l’artiste est « tout à fait représentative d’une nouvelle génération d’artistes, qui s’empare des grandes thématiques du débat public pour les investir dans le champ de l’expression esthétique » explique Patrick Couzinet, collectionneur averti et spécialiste reconnu des œuvres d’art africain.  Pour ce dernier, la nouvelle génération d’artistes veut porter son message politique au cœur même du continent.
 
Ceci explique cela, puisque nombre d’artistes qui connaissent aujourd’hui le succès dans le monde ont à cœur de transmettre la connaissance de leur art dans leur propre pays. C’est ce que souligne Idelphonse Affogbolo, l’homme d’affaires qui a rendu Contemporarybenin possible, dans un article paru à la mi-avril. Renaître à l’Afrique, pour mieux la transmettre par l’esthétique.
 
Il est donc logique que la bataille du retour des œuvres sur le continent inspire elle aussi la jeune génération.
 
Conquêtes virtuelles et bien réelles
 
 Pendant très longtemps, les artistes du continent n’ont pas su faire parler d’eux. A l’image d’autres héros de success stories africaines, longtemps restées inconnues. « Les Africains ne parlent pas des gens issus du continent qui font des choses extraordinaires. Regardez par exemple le Malien Cheick Diarra – ce scientifique qui travaille pour la Nasa aux Etats-Unis. Cet homme est né en Afrique ; il y a grandi avant de réussir aux USA. Il vient de se voir confier une mission de haut niveau par les Américains et il faut que je vienne en France pour lapprendre (…) nimporte quel journal africain aurait dû en parler ! », regrette Ousmane Sow, dans un entretien avec Virginie Adriamirado pour le magazine africultures.com.
 
D’ailleurs, ni les oeuvres ni leurs auteurs n’ont encore trouvé de capitale artistique à leur hauteur. Il y a Dakar et sa Biennale, bien sûr. Mais elles ne soutiennent pas la comparaison avec Hong-Kong ou même Singapour qui, pour l’art asiatique contemporain, sont devenus deux pôles d’attractivité majeurs.  Aujourd’hui, Accra, Addis Ababa, Cape Town, Dakar, Lagos, et Marrakech font figure de poumons sur le continent… Demain, Cotonou ? Abidjan ?
 
Une chose est sûre, la pandémie a exercé des effets paradoxalement positifs sur le marché de l’art africain. Touria El Glaoui, fondatrice et directrice de 1-54, la foire qui propose « le meilleur du continent africain et de la diaspora africaine » le confirme. Pour elle, le fait d’avoir pu s’appuyer si largement sur la vente digitale des œuvres de la foire a permis à des artistes méconnus de sortir de l’anonymat. Pour autant, tempère-t-elle dans un entretien pour RTL, « il est très important pour les gens qui découvrent l’art du continent africain, d’avoir quand même physiquement accès aux œuvres » pour se faire une idée bien réelle.
 
3 tendances à suivre !
 
Reflet d’une génération d’artistes qui cherche à faire valoir sa singularité, le genre du portrait se porte bien. Seydou Keïta and Malick Sidibé, invités réguliers de la foire 1-54 peuvent en témoigner ! Les deux Maliens ont le vent en poupe ; surtout, ils ont influencé de plus jeunes artistes, parmi lesquels on trouve des noms aussi connus que ceux de Fabrice Monteiro ou d’Omar Victor Diop, qui font de cet exercice un vecteur de critique contre l’impérialisme occidental dans le champ artistique.
 
Le développement de la sculpture est une autre tendance de fond, bien qu’elle ait tardé à se déployer, en particulier par rapport à la peinture. Le travail du Ghanéen El Anatsui est aujourd’hui mondialement connu, et son goût avéré pour le gigantisme est apprécié aux quatre coins de la planète. L’homme dispense son savoir-faire à de jeunes élèves avides de transmission.
 
Un regard particulièrement attentif doit être enfin porté à la manière dont l’art investit les sujets environnementaux, comme l’atteste le succès de Soly Cissé, né en 1969 et major de sa promotion de l'école des Beaux-Arts de Dakar à la fin des années 1990…