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Eiffage, presque deux siècles de BTP français en héritage







22 Septembre 2021

Rares sont les entreprises françaises à pouvoir se prévaloir de 170 ans d’histoire, avec le capital d’expérience et de savoir-faire qu’un tel legs représente. C’est le cas d’Eiffage, l’une des majors françaises du BTP qui, tout en se réclamant d’un héritage unique, a su s’adapter à chaque époque grâce à une innovation constante et une capacité à fédérer tous les corps de métier au sein d’une entité unique et plurielle.


Le chantiers ELA-4 du pas de tir de Kourou, emblématique des capacités de réalisation intégrées d'Eiffage, au service de l'excellence spatiale européenne (Photo Camille Gévaudan, Creative Commons)
Le chantiers ELA-4 du pas de tir de Kourou, emblématique des capacités de réalisation intégrées d'Eiffage, au service de l'excellence spatiale européenne (Photo Camille Gévaudan, Creative Commons)
À l’origine du grand groupe de BTP qu’est aujourd’hui Eiffage, il y a en effet plusieurs petites sociétés qui, chacune dans leur domaine, se sont fait un nom par leur professionnalisme et leur savoir-faire. Toutes ont pris part à de grands projets de leur époque, et ce n’est sans doute pas un hasard si, au gré des acquisitions et des fusions, toutes ces entités qui étaient en leur temps des modèles de compétence, et d’innovation, se sont regroupées jusqu’à former le groupe de BTP que nous connaissons aujourd’hui.

 
L’esprit des pionniers du BTP au service du groupe

À la base de l’arbre généalogique d’Eiffage, il y a un petit maçon originaire de la Creuse. En 1844 un certain Philippe Fougerolle crée son entreprise familiale qui prend part à ce qui est à l’époque un chantier de grande envergure : la réalisation du canal du Nivernais. Long de 174 kilomètres, ce canal a nécessité la construction de pas moins de 116 écluses et 2 ponts-aqueducs. La collaboration de l’entreprise Fougerolle à ce colossal chantier lui vaudra même de recevoir le sceau royal de l’ingénieur des ponts et chaussées de la Nièvre. Auréolé de ce succès, l’entreprise Fougerolle prend ensuite part à d’autres chantiers ambitieux, comme le percement du premier tunnel ferroviaire du Saint-Gothard en 1880, l’érection de deux ouvrages bétonnés sur la ligne Maginot ou encore la reconstruction quasi-totale du port de Boulogne-sur-Mer après la deuxième Guerre Mondiale. Initié en 1944, ce chantier colossal s’étalera sur plus de trente ans. C’est aussi à Fougerolle que l’on doit la construction du pont de Tancarville, entre 1955 et 1959. D’une longueur de 1360 mètres, il était à l’époque le plus long pont suspendu d’Europe. Rien que ça !
 
Philippe Fougerolle n’est évidemment pas le seul pionner du BTP dont peut se réclamer Eiffage. Parmi les lointains ascendants du groupe actuel, on compte aussi Émile Quillery, un maçon berrichon venu s’installer en région parisienne, et qui a fondé sa petite entreprise de travaux publics à Saint-Maur-des-Fossés en 1863 afin de prendre part au gigantesque chantier que représentaient alors les travaux de modernisation de Paris entrepris par le baron Haussmann. Outre Quillery, dans le domaine des travaux publics, on trouve dans l’ADN du groupe Eiffage plusieurs autres entreprises : citons par exemple la société auxiliaire d'entreprises électriques et de travaux publics, plus connue sous le nom de SAE, qui a livré le premier tronçon de l'autoroute A13 en 1938 ; le SNTC, future filiale de Fougerolle qui a assuré tout le gros œuvre de la construction de la Maison de la Radio ; l’entreprise Léon Ballot, renommée pour ses barrages et sa participation à la construction de la ligne Maginot ; ou encore l’entreprise André Borie qui, avant de rejoindre SAE en 1980, a dirigé dans les années 60 le groupement qui a réalisé la partie française du tunnel du Mont Blanc. Enfin, impossible de faire l’impasse sur les ateliers fondés par Gustave Eiffel dont Eiffage Métal est la digne héritière. Outre l’emblématique Tour parisienne connue dans le monde entier comme le symbole de Paris et de la France, on leur doit un nombre impressionnant de ponts et viaducs, mais aussi des gares et des charpentes de bâtiments sans oublier l’armature en métal de la Statue de la Liberté.

 
L’unité dans la diversité en héritage

En 1993, le groupe Eiffage naît de l’union des sociétés Fougerolle et SAE, formant ainsi une entreprise pouvant attester d’une expertise et d’une expérience avec peu d’équivalent. Et pour encore plus de cohérence et de clarté, le groupe décide, quelques années plus tard, d’agglomérer toutes ses entreprises de génie civil sous une bannière unique baptisée Eiffage TP. « La naissance d'Eiffage TP apporte la clarté que nous demandaient les maîtres d'ouvrage. Elle offre le très gros avantage de souder les équipes, notamment celles des études de projets, pour ne plus répondre en ordre dispersé aux appels d'offres », se félicitait alors Jean Guénard, le directeur général de la nouvelle entité.  Cette synergie permet au groupe de réaliser des chantiers d’exception, tels que le viaduc de Millau inauguré en 2004 et le port autonome de Dakar construit en quasi-totalité par Eiffage, et dont la filiation avec le pont de Normandie et le port de Boulogne-sur-Mer réalisés à l’époque par Fougerolle est évidente, mais aussi tout ou partie des autoroutes A65 et A79 en France, de l’autoroute A24 au Portugal, de l’autoroute A3 en Allemagne ou encore de l’autoroute de l’Avenir au Sénégal qui ne sont pas sans rappeler l’héritage de la SAE, pionnière dans la construction d’autoroutes en France. « Ce sont les parcours des patrons des sociétés d’origine, les Fougerolle, Clemessy, Borie, Ballot, Roverato, leurs rencontres, les travaux menés en commun par leurs équipes de l’époque, leur capacité à échanger et à jauger les capacités de l’autre et les aptitudes respectives à œuvrer ensemble qui ont progressivement conduit à ce qu’est Eiffage, confirme Guillaume Sauvé, Président d’Eiffage Génie Civil et Eiffage Métal, revendiquant haut et fort cet héritage. C’est ce qui fait notre marque de fabrique aujourd’hui : l’unité dans la diversité, une capacité unique à orchestrer les identités particulières sous une marque commune, à combiner centralité de la conception et subsidiarité dans l’exécution ».
 
Cette capacité à cultiver les expertises anciennes tout en s’appuyant sur les dernières innovations et les technologies les plus pointues, Eiffage compte bien évidemment la mettre à profit pour le pharaonique projet que constitue le Grand Paris Express (GPE). Il faut dire que le groupe est très présent sur les différents chantiers du GPE puisque ses équipes sont à l’œuvre sur la ligne 14 Sud, sur l’emblématique Lot 1 de la ligne 16 et ses 19 kms de tunnel, ou encore sur le lot T2B de la ligne 15 Sud. Au-delà du seul génie civil ou du gros œuvre, d’autres filiales sont également présentes, comme Eiffage Rail, Eiffage Énergie systèmes ou Eiffage Construction dans l’aménagement des gares et l’installation des équipements et systèmes, impliquant tous les corps d’état architecturaux et techniques. Le groupe Eiffage illustre ainsi sa capacité à fédérer une vision interdisciplinaire dans des projets communs. « Le GPE dans sa complexité nécessite un travail d’équipe plus qu’aucun autre chantier », confirme d’ailleurs Guillaume Sauvé. D’ailleurs, les nouvelles modalités de passation des contrats avec la SGP, fondées sur la notion de conception-réalisation, qui requiert une culture approfondie de l’interdisciplinarité pour prendre la responsabilité d’un projet de A à Z, devraient permettre à Eiffage de déployer pleinement sa capacité d’intégrateur de compétences. Philippe Fougerolle, Émile Quillery et les autres pionniers du BTP qui ont fait l’histoire d’Eiffage peuvent être fiers de leurs héritiers.