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Lost in Transportation







21 Mars 2016

Dans certaines villes, la complexité des plans de métro est si grande, que même le cerveau humain s’y perd.


Lost in Transportation
Lost in Translation ? Non, Lost in Transportation, mais cela revient un peu au même : au fait d’être perdu dans la ville. Au-delà du film de Sofia Coppola, l’expression Lost in Transportation fait référence à un papier publié dans Sciences Advances. Ce dernier met l’accent sur le fait que les plans de métro sont devenus si complexes que même le cerveau humain a du mal à s’y retrouver : « les réseaux de transports publics des très grandes villes sont si complexes qu’ajouter des connexions les rend incompréhensibles pour l’esprit humain », rapporte Francis Pisani dans Le Monde.
 
La faute à qui ? À l’urbanisation croissante et les challenges qu’elle génère. Elle interroge notamment « notre capacité à comprendre et gérer ce qui se joue. » Rien de moins. Pour en arriver à cette conclusion, quinze villes ont été passées au crible. Villes dont les « réseaux de transports publics (sont) les plus grands du monde. » Et contre toute attente, Paris offrirait un « des réseaux de transports les plus compliqués de la planète. » Sauf que, « plus le plan est compliqué, plus il faut de temps pour  prendre sa décision. » « La capacité de la mémoire de travail visuelle (…) ne nous permet de garder facilement à l’esprit que les trajets à deux connexions conduisant à un total de 4 arrêts. » C’est bon à savoir.

Nous sommes donc limités. Résultat, étant donné le casse-tête, ou même ce « labyrinthe angoissant », peut-on lire dans Le Monde, notre réflexe est de chercher et de choisir « le chemin le plus simple », c’est à dire, avec « le moins grand nombre de changements. » En revanche, ce chemin le plus simple n'est pas forcément « celui qui nous permet de nous rendre le plus rapidement d’un point à un autre. » Pas le plus rapide donc. Dans la pratique, les choses se compliquent encore lorsque l’on utilise la « multimodalité » : le  mélange de différents modes de transport et des réseaux distincts, comme celui des bus, du métro ou du tramway.
 
Dans tous les cas, cite Francis Pisani dans son billet Citynnovation, « les humains ne sont pas capables d’assimiler des cartes avec plus de 250 connexions, un chiffre vite atteint par les grandes villes. » Certaines mégalopoles vont jusqu’à afficher 1 800 interconnexions. Le problème : « les points de connexions jouent un double rôle dans la recherche d’un itinéraire : ils sont à la fois des objectifs et des distractions », soulignent les chercheurs britanniques d’Oxford, et les Français de Saclay et de l’EHESS, à l’origine de l’article de Sciences Advances. Ils vont plus loin : « Nos résultats impliquent qu’augmenter le nombre d’intersections entre les lignes, ce qui permet de minimiser les transferts, a un effet contraire à l’objectif qui est d’avoir un système de transports facilement utilisable », rapporte Le Monde.
 
Ainsi, « la concentration dans les villes peut créer un dynamisme économique sans précédent », mais dans le même temps, elle pourrait bien « dépasser notre capacité de maîtrise du phénomène », analyse l’auteur de Citynnovation, Francis Pisani. Face à la mégalopole et à sa complexité, « les outils traditionnels de visualisation qui sont censés nous aider à nous y retrouver ne suffisent plus. » Pour faire face à ces difficultés, c’est notre façon même de penser qu’il convient de modifier. Un autre grand défi à relever, bien au-delà de l'urbanisation.