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L’industrie du recyclage : les enjeux de la chimie renouvelable







3 Juin 2013

En 2010, en France, 355 millions de tonnes de déchets ont été produites. Sur ces 355 tonnes, (seulement) 60% ont pu être revalorisés par l’industrie du recyclage. La progression de cette dernière est lente, mais dans ce changement la chimie renouvelable y trouve une part importante.


Un enjeu du développement durable

L’industrie du recyclage : les enjeux de la chimie renouvelable
La Chimie renouvelable ou la chimie verte consiste en la conception de produits et la recherche de procédés pointant la réduction ou l’élimination de l’utilisation et de la synthèse de substances dangereuses. Le concept, développé par Anastas et Warner, deux chimistes américains, vise à tirer parti du meilleur de la chimie, reprenant ses méthodes, ses procédés, ses réalisations tout en écartant la dangerosité qui lui est parfois attachée. Paul Anastas est d’ailleurs à l’origine de l’édiction dans les années 1990 des douze principes de la chimie verte, une charte régissant la bonne utilisation de ce type de chimie. Le terme ne doit toutefois pas être confondu avec celui de chimie du végétal qui, si ses objectifs rejoignent en partie ceux de la chimie verte, cherche principalement à produire des molécules (souvent appelées molécules biosourcées) à partir de composés végétaux. Le bilan environnemental de cette dernière est parfois décrié, comme c’est le cas pour les polymères biodégradables réalisés à partir d’amidon de maïs dont certaines particules fines pourraient présenter un caractère persistant dans l’environnement. Au contraire, la chimie renouvelable s’efforce à employer des méthodes qui présentent des qualités positives pour l’environnement, comme c’est par exemple le cas pour le recyclage des sacs plastiques.
 
Diverses applications industrielles sont possibles. Par exemple, les biomatériaux issus de la chimie verte servent d’isolants naturels pour des applications dans le bâtiment ou de matériaux composites pour les automobiles. En outre, on retrouve des applications plus fines auprès de l’industrie pharmaceutique et agroalimentaire avec la possibilité de créer des biolubrifiants ou des tensioactifs ou encore des peintures. En bref, la chimie renouvelable n’a rien à jalouser au volet classique. Et le problème de la revalorisation encore trop faible des déchets n’est pas dû à l’inadaptation de la discipline et de ses procédés. Il s’agit en fait davantage de la lenteur du processus de changement des mœurs et de la gestion des déchets qui est aux mains d’entreprises particulières, qui elles-mêmes sont imbriquées dans des enjeux les contraignant à une logique de rentabilité. La chimie fait donc partie du processus d’économie circulaire, participant à l’upcycling, c’est-à-dire la transformation de matière en un produit supérieur ou de qualité égale à celui de sa vie antérieure.
 
Bien entendu elle souffre de la confrontation avec les logiques de rendement qu’elle a encore du mal à approcher. Toutefois, sa compétitivité peut s’améliorer en se positionnant dans un court terme, sur des activités de niche comme la chimie fine ou pharmaceutique, pour dans un second temps bénéficier des avancées dans ce domaine et développer les logiques de ce type de développement dans des problématiques écologiques plus préoccupantes comme celle des hydrocarbures. L’objectif est de se débarrasser des aides publiques dont bénéficie le secteur pour entrer dans une cohérence de rentabilité propre et ainsi bénéficier d’une meilleure acceptation au sein du reste de l’économie, que le coût encore bas des hydrocarbures classiques ne rend pas facile.

Les déchets, ressource de demain ?

La chimie renouvelable procède de la logique de revalorisation des déchets. Comme l’indique la célèbre maxime attribuée à Lavoisier : rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme cette discipline peut répondre au futur en apportant des solutions à l’exploitation des ressources naturelles en y opposant une exploitation des ressources déjà usées afin d’en créer de nouvelles prêtes à être utilisées. Le déchet est donc pensé comme une matière première quelconque. En guise d’exemple, il est possible d’aller chercher dans les restes d’oignons des antioxydants utiles dans le secteur pharmaceutique et cosmétique, ou de produire du gaz à partir de la fermentation des déchets organiques (la méthanisation).

L’avenir de la France dans ce domaine

À l’échelle européenne, c’est l’Allemagne qui enregistre les meilleures performances au niveau de son industrie de la chimie durable. Cependant, la France est bien placée dans le marché, notamment grâce aux aides publiques, ainsi qu’à de bonnes performances de ses entreprises comme Véolia ou Suez Environnement. Pour intéresser les industriels et donc pérenniser la chimie verte, il est essentiel d’entrainer le secteur dans une logique de rendement. Aussi, les chercheurs et les industriels mettent-ils en place des collaborations afin d’apporter chacun une synergie au processus. Néanmoins, il existe encore des freins, en France, parmi lesquels celui de la puissance dont jouit son industrie pétrochimique.