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Consommation alimentaire : profondes mutations en Afrique subsaharienne



Journaliste pour VA Press. En savoir plus sur cet auteur




30 Octobre 2017

Une vaste étude sur la consommation des ménages d'Afrique tord le cou à quelques idées reçues. D'une ampleur inédite, ces travaux montrent les modifications, ces dernières décennies, des systèmes alimentaires. L'agriculture locale est en train de conquérir son économie intérieure avec un marché dominant dans les approvisionnements des urbains comme des ruraux. L'alimentation s'est diversifiée et les problèmes d'apport énergétique sont bien moins prégnants qu'auparavant.


Source : Pixabay, image libre de droits
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« Cette analyse nous donne à voir pour la première fois une image de la consommation des familles d'Afrique de l'Ouest, du Cameroun et du Tchad », commente Nicolas Bricas, socio-économiste au Cirad et coordinateur, avec Claude Tchamda de l'Observatoire économique et statistique d'Afrique subsaharienne (Afristat), de l'étude intitulée : L'Afrique à la conquête de son marché alimentaire intérieur. Elle a été menée avec la collaboration des instituts nationaux de statistique de neuf pays, avec le soutien de l'AFD, de la Banque africaine de développement et de la Commission européenne.
Les systèmes alimentaires en Afrique subsaharienne se sont modifiés ces dernières décennies, certainement plus rapidement que les représentations de nombre d'observateurs... L'ensemble des résultats esquisse des schémas de consommation qui vont parfois à l'encontre de plusieurs idées reçues.
 
Les produits achetés sont devenus dominants dans la consommation, y compris dans les campagnes. Même si l'autoproduction subsiste de façon significative, les problématiques de sécurité alimentaire des urbains et des ruraux tendent à se rapprocher; le marché intérieur surpasse largement celui destiné à l'exportation. Ce marché composé en majorité de produits locaux et régionaux est devenu un véritable moteur du développement agricole. Cette réalité nuance la vision d'une Afrique dépendante de l'extérieur pour se nourrir.

Les villes sont très dépendantes des importations de blé et de riz, mais les céréales représentent moins du tiers de la consommation des ménages urbains. La question alimentaire ne peut plus se limiter à ces denrées de base même si, du point de vue nutritionnel, ils fournissent la majorité de l'apport calorique. Les racines, tubercules et plantains, les légumineuses, les produits animaux, les huiles, les condiments, les fruits et les légumes jouent désormais un rôle stratégique tant des points de vue nutritionnel, économique que culturel.

L'analyse de l'origine de la nourriture consommée révèle un secteur agroalimentaire local en plein développement, dominé par l'artisanat et les PME. Peu reconnu par les pouvoirs publics, ce secteur est un important pourvoyeur d'emplois, tant en milieu rural que dans les villes.  

La consommation de 230000 ménages passée au crible

Ce travail est une synthèse de données issue de trente-six enquêtes nationales, menées entre 2001 et 2011, sur un échantillon cumulé de près de 230000 ménages. «C'est la première fois à ma connaissance qu'un examen aussi vaste de la consommation alimentaire est réalisé», souligne Nicolas Bricas. «L'étude révèle que les pays avec lesquels nous avons travaillé disposent de données considérables accumulées au travers des enquêtes nationales de consommation. Ces enquêtes visent généralement à construire des indicateurs macro-économiques, mais leurs données peuvent être aussi valorisées pour fournir aux décideurs politiques, aux organisations paysannes, aux entreprises du secteur alimentaire, des informations stratégiques sur l'évolution du marché.»
Les résultats de cette étude, présentés dans diverses instances politiques nationales ou régionales, ont souvent surpris par l'image encourageante qu'ils révèlent : celle d'une région dans laquelle l'agriculture locale, malgré une croissance démographique et une urbanisation rapides, parvient à conquérir son marché intérieur.