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Vis ma vie en GoPro







27 Octobre 2014

La caméra embarquée GoPro, servant à l’origine pour des sports extrêmes, est passée dans la vie de tous les jours. Elle est devenue un phénomène sociétal.


Vis ma vie en GoPro
GoPro, GoPro, mais qu’est-ce que c’est ? Ce sont ces petites caméras embarquées, ultra compactes, haute-définition, grand-angle, poids-plume et résistantes aux chocs. En se fixant n’importe où, sur le guidon d’une moto, le volant d’une voiture, sur soi dans une salle de sport, sur ses enfants, cela donne des films extrêmes du genre dogme. À la clé, une impression de vitesse et de performance qui donne parfois le tournis. Au-delà de leur côté high-tech, les caméras GoPro sont de véritables phénomènes de… société ! Certes. Mais quid de la satiété ? Connais pas. L’immédiateté et la permanence 24 heures sur 24. GoPro, le nouveau graal.

Récemment, on a vu Stéphane le Foll, le Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire, et porte-parole du Gouvernement s’équiper d’une GoPro pour une journée. Résultat : vis ma vie de porte-parole du gouvernement. Et des séquences à regarder en boucle sur le site gouvernement.fr*. À l’heure des selfies, il ne faut pas s’étonner si la communication devient 2.0 !

Si les politiques en usent, les people en abusent. La liste serait trop longue, de Beyoncé s’auto-filmant sautant à l’élastique, au top model américain Karlie Kloss dans les coulisses non pas du Palais de l’Élysée, mais dans les coulisses des défilés, backstage. Dans tous les cas, la vie est passée à la moulinette du direct. Plus que jamais, la prédiction d’Andy Warhol, tout le monde aura « son quart d’heure de célébrité » est devenue une réalité.
 
On se filme donc sous tous les angles grâce à cette petite caméra conçue il y a une dizaine d’années par Nick Woodman, un surfeur casse-cou. GoPro, c’est la vie de tous les jours mise en scène, voire en abîme, scénarisée. Dans Elle, le philosophe Yves Michaud, l’auteur de l’essai « Narcisse et ses avatars », publié chez Grasset, pointe : « Au-delà du narcissisme, ce genre de films donne l’illusion d’une transparence totale qui est en fait extrêmement contrôlée. » On montre ce que l’on veut à qui l’on veut. « Il y a l’idée un peu folle de vouloir jouir de tous les instants de l’existence en les collectionnant dans une sorte de narcissisme existentiel dévorant », explique encore avec justesse Yves Michaud. Tout capter, tout saisir, tout montrer, jusqu’à l’écoeurement ?
 
*gouvernement.fr /partage/1912-coulisse-le-foll