Le 22 octobre 2025, les États-Unis ont élargi leurs sanctions contre le secteur pétrolier russe, inscrivant Rosneft et Lukoil sur la liste noire de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC). Cette décision, hautement politique, vise à resserrer l’étau économique autour de Moscou. Mais en Allemagne, la mesure suscite un dilemme : comment soutenir la ligne dure de Washington sans compromettre les intérêts énergétiques nationaux ?
Pétrole russe : Washington frappe fort, Berlin négocie un sursis
Les nouvelles sanctions américaines contre la Russie marquent une escalade diplomatique majeure. En plaçant Rosneft et Lukoil sur la liste des entités sanctionnées, Washington a choisi de cibler le cœur de la puissance économique russe : ses exportations d’hydrocarbures. Selon le cabinet Global Trade & Sanctions Law, cette mesure s’inscrit dans une stratégie coordonnée entre le Département du Trésor et la Maison-Blanche pour « assécher les revenus énergétiques russes finançant la guerre en Ukraine ».
Mais la décision a immédiatement inquiété Berlin, où plusieurs raffineries stratégiques appartiennent en partie au géant russe Rosneft. Ces actifs, sous tutelle publique depuis 2022, assurent plus de 12 % de la capacité de raffinage nationale. Craignant une rupture d’approvisionnement, le gouvernement allemand a multiplié les contacts diplomatiques.
D’après Reuters, les États-Unis ont finalement accordé à l’Allemagne un délai de six mois pour « clarifier la situation juridique » des filiales locales de Rosneft. Pendant cette période, une licence spéciale permettra la poursuite des opérations. Cette concession, arrachée après plusieurs jours de discussions entre Washington et Berlin, illustre la tension entre les impératifs politiques et les réalités énergétiques.
Berlin entre loyauté occidentale et souveraineté énergétique
Depuis la mise sous tutelle de Rosneft Deutschland GmbH en septembre 2022, l’Allemagne revendique une ligne claire : appliquer les sanctions sans compromettre son autonomie énergétique. Mais la nouvelle vague américaine a ravivé un vieux débat au sein du gouvernement Scholz : jusqu’où Berlin peut-il suivre Washington ?
Le ministère de l’Économie a reçu une Letter of Comfort du Département du Trésor américain, confirmant que les filiales allemandes de Rosneft ne sont pas visées par les sanctions. Mais en arrière-plan, cette dépendance à l’arbitrage américain interroge la souveraineté européenne. Plusieurs parlementaires allemands, notamment issus du SPD et des Verts, craignent que Berlin ne se retrouve « à la merci de décisions unilatérales » de Washington, souligne le Financial Times. Le risque pour l’Allemagne est majeur : Rosneft détient 54,17 % de la raffinerie PCK Schwedt, 24 % de MiRo et 28,57 % de Bayernoil. Schwedt, en particulier, alimente Berlin et le Brandebourg, zones sensibles dans la stabilité énergétique du pays.
Face à ce dilemme, le gouvernement Scholz a tenté de ménager les deux fronts. En interne, Berlin insiste sur son engagement à appliquer toutes les sanctions européennes ; en externe, il plaide pour une approche « pragmatique » avec les États-Unis.
Un test pour la cohésion occidentale
L’affaire Rosneft dépasse de loin la question allemande : elle symbolise le nouveau rapport de forces entre Washington, Moscou et l’Europe. En imposant un délai de six mois à l’Allemagne, les États-Unis envoient un message clair : la solidarité occidentale doit primer sur les intérêts nationaux. Mais cette approche suscite des réserves.
De son côté, le Kremlin dénonce des sanctions « illégales » et « contraires au droit international ». Selon Reuters, le président Vladimir Poutine a qualifié la décision américaine de « chantage économique », tout en promettant de diversifier les exportations de pétrole vers l’Asie. Moscou estime que Rosneft représente près de 40 % de la production pétrolière russe, soit environ 5,2 millions de barils par jour. Un poids qui rend les sanctions particulièrement lourdes.
Les six prochains mois seront déterminants : si l’Allemagne parvient à résoudre la question de Rosneft Deutschland sans rupture d’approvisionnement, elle renforcera son statut de pilier européen du front occidental. À l’inverse, tout échec risquerait de fragiliser la crédibilité de l’axe transatlantique face à la Russie.








