Gérard Moss : ce pilote qui parcourt les rivières amazoniennes sur terre et dans les airs






14 Mai 2013

Alors que le réchauffement climatique est au cœur des nouvelles politiques de développement, les découvertes du pilote et aventurier Gérard Moss attirent aujourd'hui l'attention des gouvernements, à commencer par ceux d'Amérique du Sud. Objectif atteint pour Gérard Moss, qui souhaite interpeller l'opinion publique sur l'importance de la forêt amazonienne, non pas seulement en tant que poumon du monde, mais aussi en tant que réservoir d'eau.


Gérard Moss, un pilote et aventurier devenu défenseur de la forêt amazonienne

Photo: Wikimedia
Originaire de Suisse, Gérard Moss est ingénieur en mécanique de formation, mais a rapidement orienté sa carrière professionnelle dans le secteur du transport maritime. Une activité qui l'emmènera au Brésil où il crée en 1983, une société spécialisée dans la consolidation des exportations de soja et de fèves, afin de soutenir de petits producteurs. En 1983 toujours, il passe sa licence de pilote, et découvre les joies du ciel. Il entreprend alors un premier tour du monde avec son épouse Margi, et multipliera les périples. En 2001, il réalise pour la première fois de l'histoire, un tour du monde en monoplaneur, et en solitaire. Un exploit aussi glorieux qu'utile, puisque ce tour du monde, Gérard Moss, le réalise dans le cadre d’un programme à l’initiative du pétrolier Petrobras. L’entreprise est elle-même soutenue par l’Agence brésilienne des eaux, et profite depuis plus de dix ans maintenant, de l’engouement de Gérard Moss pour la lutte contre la déforestation. Durant leurs nombreux périples en ciel, Gérard Moss et sa femme ont été les témoins oculaires de l’appauvrissement des sols, de la transformation de milliers d’hectares de forêts en savanes, et de la raréfaction des cours d’eau. Ils ont donc décidé de joindre l’utile à l’agréable, et Gérard Moss sillonne désormais le ciel brésilien pour la recherche, dans le cadre du projet « Rivières volantes ».

Le projet « Rivières volantes »

Au fil de ses survols de l'Amazonie, Gérard Moss a fait une découverte surprenante, à savoir que l'humidité de l'air formait à certains endroits, des sortes de couloirs d'eau. Des volumes d'eau invisibles, qui s'ils étaient condensés prendraient la forme de rivières dans le ciel. D'où le nom du projet « Rivières volantes », dont le but est de démontrer l'importance de la forêt amazonienne et les risques liés à la déforestation. La forêt amazonienne est considérée comme le principal poumon du monde, mais Gérard Moss entend démontrer qu'elle est bien plus que cela, car elle est aussi une "pompe hydraulique géante".

Il s'avère en effet que ces rivières volantes contiennent des quantités d'eau pharaoniques, dont la majorité des villes brésiliennes dépendent. Quelque 20 milliards de tonnes d'eau gravitent au-dessus de la forêt amazonienne, une eau issue de l'évaporation des eaux au sol, mais aussi des rejets des arbres. Les plus gros d'entre eux peuvent rejeter jusqu'à 1000 litres d'eau par jour dans l'atmosphère, et sont donc un maillon essentiel dans la régulation du climat. Non pas pour leur seule capacité de dépollution atmosphérique et leur capacité à produire de l'oxygène, mais aussi pour leur aptitude à retenir l'eau et à la restituer dans l'atmosphère en saison sèche. Aujourd’hui, la sécheresse touche de plus en plus de pays, et la déforestation est directement mise en cause.

La sécheresse gagne du terrain

Grâce aux informations récoltées au cours de ses vols au-dessus de l'Amazonie, Gérard Moss a permis au professeur Enéas Salati, un agronome renommé, et aux autres partenaires scientifiques du programme "Rivières volantes", d'établir un lien entre la déforestation et la sécheresse qui frappe déjà plusieurs villes brésiliennes, mais aussi des états d'Amérique du Nord. Il s’avère que les problèmes de manque d’eau s’accroissent parallèlement à la déforestation de la forêt amazonienne, et que la diminution de la pluviométrie, que l’état brésilien croyait provenir essentiellement de l’évaporation de l’océan Atlantique, est en réalité, une conséquence directe de la déforestation.

Un constat qui incite à de nouvelles réflexions sur la gestion de l’eau, et sur la gestion de la forêt amazonienne, car cette dernière influe sur le climat de toute l’Amérique latine. Sachant que dans cette partie du monde, l’agriculture se base essentiellement sur la pluie, alors que partout dans le monde, les irrigations et autres systèmes d’approvisionnement en eau foisonnent, la protection de la forêt amazonienne apparait plus importante que jamais. Surtout que les quantités d’eau contenues dans ces rivières volantes permettent indirectement d’approvisionner des villes comme São Paulo. Mais si la déforestation continue, le cycle hydraulique de l’Amérique latine sera tout simplement rompu, une véritable catastrophe.

Rapprochement économique

Le projet "Rivières volantes" est le premier du genre, et les résultats obtenus ont permis jusqu'alors de mettre en évidence seulement le lien qui existe entre déforestation et dérèglement climatique. Ce constat a suffi pour interpeler les instances gouvernementales, mais la majorité des prélèvements d'eau effectués en plein ciel sont encore en cours d'analyses. Les résultats de ces analyses permettront de déterminer secteur par secteur, la provenance des eaux de pluie tombant sur les villes et d'affiner les rapports de dépendance avec la forêt amazonienne. Il a déjà été démontré que la pluviométrie dans le sud du Brésil était essentiellement issue de l'Amazonie, mais il faudra encore affiner les recherches pour arriver à chiffrer les conséquences de la déforestation.

En effet, si le rôle de l'Amazonie dans le cycle hydraulique a déjà été mis en évidence, l'objectif du projet "Rivières volantes " est aussi de sensibiliser la population brésilienne et le gouvernement. Une sensibilisation qui sera plus efficace avec des constats chiffrés. Les agriculteurs par exemple, dont on sait qu'ils souffrent de plus en plus de la sècheresse, sont encore sceptiques face au lien qui existe entre la déforestation et leur productivité. Il est donc important de traduire ce lien en étudiant les productions agricoles tout autant que la pluviométrie. Une tâche à laquelle Gérard Moss s'adonnera, car selon lui, il est urgent d’estimer, de manière concrète, le prix du réchauffement climatique, et de la déforestation, pour espérer une réaction appropriée de l’état brésilien, mais aussi du reste du  monde.