Le réalisme glaçant de Michael Haneke






11 Mars 2013

Le réalisateur Michael Haneke divise les opinions avec sa « cinéphilosophie » parfois choquante. Ses longs métrages, qui relatent pourtant le mal ordinaire, traumatisent les âmes sensibles par la brutalité insoutenable des scènes. Maintes fois récompensé pour ses œuvres cultes, l'homme est aujourd'hui une figure emblématique, mais controversée du Septième art.


Michael Haneke : un réalisme troublant

Fils d'acteurs autrichiens, Michael Haneke baigne dans le monde du Septième art depuis sa plus tendre enfance. Son parcours en dit long sur ses penchants pour le cinéma dramatique. Après avoir étudié la philosophie, la psychologie et l'art dramatique en Autriche, Michael Haneke devient critique de cinéma dans les années 60-70. L'homme se lance dans la réalisation 1989, mais la télévision autrichienne refuse de diffuser sa première oeuvre « Le Septième continent », tirée de faits réels. Ce film, qui retrace l'histoire d'une famille suicidaire, est perçu comme profondément pessimiste. Mais ce chef-d'œuvre lui ouvre une carrière fulgurante en Europe. Les amateurs de frissons retiendront « Benny's Video », « Funny Games », et « Château », avec lesquels Michael Haneke perce dans le domaine du cinéma grand public. Ces longs métrages racontent l'histoire d'adolescents meurtriers dont les parents cachent le crime et de familles torturées dont les membres perdent la vie tour à tour dans des conditions atroces. Malgré sa réputation de polémiste, l'homme devient une figure incontournable du cinéma poignant. La montée de l'audience est spectaculaire. En 2001, le réalisateur très controversé enregistre son plus grand succès depuis lors. « La Pianiste » met en scène la vie d'une professeure de piano, grande consommatrice de films pornographiques. Bien que cette thématique sexuelle provoque la cacophonie au sein de la critique, de la presse et du public, le film permet aux acteurs principaux Isabelle Huppert et Benoît Magimel de remporter des Prix d'interprétation à Cannes. Par la même occasion, Michael Haneke se voit décerner le Grand Prix du Jury.

Un cinéma difficile d'accès

Le but premier de Michael Haneke est de transmettre des morales, que le public ne comprend pas toujours. Il veut que chacun puisse s'interroger sur les dangers qui guettent les hommes dans leur quotidien et sur le devenir de l'humanité en perpétuelle recherche de développement. Ces réflexions s'adressent surtout à la civilisation occidentale, et se forment en réaction aux troubles sociaux auxquels elle est exposée. La violence est mise en scène de façon particulière et sous-jacente. Les scènes de violence extrême ne sont pas directement montrées aux spectateurs. Elles sont signifiées par des hurlements, du sang qui gicle sur l'objectif de la caméra ; la mort ou la douleur sont filmées de loin certes, mais on n’y coupe pas. Selon les spécialistes, cette fausse dignité contribue largement à la réussite de chacune des œuvres de Michael Haneke. La situation d'inconfort dans laquelle se trouve le spectateur, sa manière inhabituelle de percevoir le danger et les émotions qui en découlent attirent de plus en plus l'attention. De manière générale, Mickael Haneke invite le spectateur à bien distinguer le réalisme de la fiction. Le réalisateur affirme assumer toutes ses créations malgré la confusion de l'audience entre les messages de fond et l'aspect poignant de ses mises en scène. La grande majorité de ses films repose sur ces « malentendus ». Michael Haneke confirmera d'ailleurs cette théorie après la sortie du long-métrage Funny Games en 1997.

Vers la conquête d'Hollywood malgré un rejet du cinéma commercial américain ?

Selon ses dires, Michael Haneke s'oppose fermement aux principes du cinéma industriel américain. En critique digne de ce nom, il estime que la manière dont les réalisateurs hollywoodiens mettent en scène la violence ne permet pas aux spectateurs de distinguer la fiction de la réalité. Contrairement à ses œuvres qui évoquent une souffrance plus « attractive », le cinéma américain reste uniquement cantonné sur des représentations primitives. Son onzième long métrage « Amour » remporte pourtant le titre du meilleur film étranger aux Golden Globes de janvier 2013. Après avoir été nominé cinq fois aux Oscars l'année précédente, ce drame, racontant la vie d'un couple d'octogénaires mise à rudes épreuves après un accident de l'épouse, s'est imposé après des films cultes français comme « De rouille et d'os » et « Intouchables ». « Amour » avait déjà remporté la Palme d'or au Festival de Cannes en 2012. Cette victoire a ainsi décuplé ses chances de remporter la course aux Oscars face au film norvégien « Kon-Tiki » et au long-métrage danois « Royal Affair ». Et c’est sans surprise qu'« Amour » remporte l'Oscar du meilleur film étranger le 24 février 2013. Cette ultime récompense, réussira-t-elle à le faire changer d'avis le célèbre réalisateur au sujet de la déclinaison américaine du Septième art ?