Opticiens Coopératifs : un retour au vrai sens du métier ?






8 Avril 2014

Il s'agit d'un de ces métiers qu'on ne choisit pas sans raison. Mais comme pour tout commerce de proximité, le choix du business model et du mode de gouvernance répond lui aussi à une certaine philosophie du métier. Marc Cazemajor et Geoffrey Pionica, tous deux opticiens pour la chaine coopérative Optic 2000, nous expliquent leurs choix.


Vous avez fait le choix de devenir opticien : pourquoi et comment devient-on opticien ?

(credit freedigitalphotos.net)
Marc Cazemajor : Je porte des lunettes depuis l’âge de 14 ou 15 ans. Quand je suis rentré pour la première fois chez un opticien, j’ai trouvé l’approche du métier remarquable, avec une véritable relation-clientèle. Mon parcours a également joué puisqu’à la base, j’ai une formation technique. Le métier d’opticien réunit donc deux aspects qui m’intéressaient. J’ai tiré mes premières informations sur ce métier dans un forum étudiant, qui m’a renseigné sur les écoles et les diplômes les plus adaptés aux métiers d’opticiens. Aux aspects techniques et humains qui m’ont motivé initialement, s’ajoute également l’aspect santé, qui, à mon sens, donne une certaine noblesse au métier. J’ai commencé à comprendre durant ma formation l’importance de cette aspect, avec quelques lacunes en biologie et en anatomie que j’ai du rattraper. Mais c’est une fois dans le métier que j’ai véritablement fait l’expérience de cet aspect « professionnel de santé ».
 
Geoffrey Pionica : D’un point de vue scolaire, il existe plusieurs diplômes et cursus qui peuvent amener au métier d’opticiens : BEP, CAP,  bac Pro ou BTS auxquels peut s’ajouter un DU en optique. Pour ma part j’ai commencé très jeune à travailler chez des opticiens, entre autre, parce que plusieurs personnes de ma famille sont du métier. Si j’ai choisi de poursuivre dans cette voie, c’est parce que l’aspect « relations avec le client » me plaisait : au-delà de la seule relation commerciale, nous avons surtout un rôle de conseil en santé. L’aspect accueil, écoute et conseil reste ce qui me motive le plus dans ce métier.

Vous décidez un jour de rejoindre Optic 2000 et de renoncer à une certaine forme d’indépendance pour intégrer un groupe coopératif. Pourquoi ce choix ?

MC : Il y a dans ce choix une part de motivations personnelles, liées à ma situation géographique, mais aussi naturellement des raisons professionnelles. J’ai fait le choix de rejoindre Optic 2000 parce qu’il s’agit d’une marque coopérative d’envergure nationale. Au-delà de l’aspect coopératif, c’est surtout une marque qui m’a rassuré, car je ne souhaitais pas tomber dans les travers de certaines enseignes franchisées. Je connaissais le modèle coopératif, et même si l’intégration au groupe Optic 2000 représente un coût en termes de redevances, il m’apporte énormément en termes d’image, de conseil et d’opportunités de développement.

Mais les raisons touchent aussi à la stratégie d’Optic 2000 et à son positionnement marketing. Chez Optic 2000, tous les membres sont des opticiens indépendants sous enseigne : l’opticien reste patron et seul maitre à bord de son magasin. Si nous faisons le choix de suivre la stratégie d’Optic 2000, c’est parce qu’elle correspond à notre vision et à notre éthique du métier.
 
GP : Après avoir travaillé pour plusieurs enseignes avec des expériences contrastées, j’ai souhaité ouvrir mon propre magasin. Mais il est délicat et risqué de se lancer aujourd’hui en indépendant. J’ai choisi Optic 2000 parce que je connaissais l’enseigne et son principe de fonctionnement, à titre personnel, et aussi parce qu’elle dispose d’une notoriété d’enseigne leader en France. Mais j’ai surtout choisi le modèle coopératif, qui permet de rester maitre de son magasin et de son entreprise tout en offrant ce qu’il y a de mieux aux clients en termes de rapport qualité-prix. Nous conservons les avantages d’un magasin indépendant, par exemple en liberté de choix des collections, tout en bénéficiant de la notoriété de l’enseigne.

Que vous apporte concrètement le fait d’appartenir à un réseau coopératif, au quotidien ?

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MC : Par rapport au réseau coopératif auquel j’appartenais avant, le groupe Optic 2000 met énormément d’outils à notre disposition. Lorsque j’étais encore un opticien totalement indépendant, je ne parvenais plus à me développer parce que j’étais au maximum de mes capacités. Optic 2000 nous donne l’occasion de progresser.

Très concrètement, tous les deux mois environ, je reçois la visite de « l’animateur » réseau, qui vient nous conseiller en termes de management, de RH ou de gestion financière. Ce conseiller nous aide à mettre en place de nouvelles actions en jouant un rôle qui s’apparente à celui d’un coach.
D’un point de vue achat et logistique, nous bénéficions de la mise en place de la plateforme collective à Clamart. Ce dispositif permet de d’obtenir à peu près tous le produits de la marque dans des délais très courts.

A cela s’ajoute naturellement un service de suivi qui nous permet, en fonction des besoins, d’avoir rapidement en ligne un conseiller du département concerné. On se sent moins seuls face aux difficultés que peut traverser notre activité : PPL Leroux, projet de loi Conso sur la distribution des produits de santé… Dans ce combat où les opticiens sont relégués au rang de simples vendeurs de lunettes, on a le sentiment d’être véritablement écoutés et défendus.

Avec 1200 magasins, sans compter les enseignes Lissac et Audio 2000, le groupe coopératif dispose une certaine « puissance de feu » médiatique et une représentativité auprès des pouvoirs publics qui lui permettent de s’exprimer bien plus efficacement que l’ensemble de ses membres pris séparément. Aux côtés d’autres groupes coopératifs du domaine de la santé, Optic 2000 défend notre statut de professionnel de santé, dans le sens des évolutions normales du métier.
 
GP : L’enseigne Optic 2000 nous permet d’entrée de bénéficier de la notoriété générale de la marque. Mais elle nous permet aussi des rapports privilégiés avec les ophtalmologistes, auprès desquels nous avons bonne réputation. La taille du groupe et ses possibilités de négociation nous permettent d’avoir accès à une large gamme de produits. De la sorte nous pouvons proposer des produits de qualité pour tous les budgets, avec un renouvellement de l’offre plus régulier. Optic 2000 nous accompagne aussi dans nos projets de développements et met à notre disposition des conseillers pour nous guider dans nos démarches. Nous avons en plus des rendez-vous réguliers avec des animateurs réseaux. Nous ne sommes pas seuls et c’est appréciable.

Dans une structure coopérative, tout membre représente théoriquement une voix, qui peut s’exprimer à égalité des autres lors des Assemblées Générales. Avez-vous le sentiment de participer à la gouvernance et à la stratégie de l’entreprise ?

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MC : Sans aucun doute. Nous sommes conviés aux assemblées générales tous les ans. En cas d’impossibilité de s’y rendre, il est possible de voter par procuration. Lors des votes, nous avons une liberté totale pour voter en faveur des projets et des orientations qui nous conviennent. Le principe de fonctionnement est démocratique et il est appliqué.

Aux assemblées générales annuelles s’ajoutent les réunions régionales de travail, tous les deux mois environ. Ces réunions nous permettent d’échanger, au niveau local et régional, avec d’autres membres du groupe. C’est l’occasion de rencontrer non seulement d’autres opticiens mais également des administrateurs et responsables du groupe coopératif. La fréquence de ces réunions a d’ailleurs augmenté cette année, ce qui démontre d’une part qu’elles sont utiles, mais aussi qu’elles répondent bien à un besoin.
 
GP : Nous participons de manière active à la vie du groupe, notamment à travers plusieurs rendez-vous dans l’année, comme les AG ou les réunions régionales de travail (RRT) trimestrielles, qui s’ajoutent aux rencontres avec les animateurs réseaux. Il nous est également possible de contacter directement une personne du siège en cas de difficultés particulières. En AG, chaque vote compte, et ce n’est pas forcément simple compte tenu du nombre de membres ! Mais toutes ces réunions nous permettent de faire le bilan des actions réalisées et de mettre en avant les points à améliorer. Cela nous permet surtout de rester en prise avec le marché, tout en nous remettant en question régulièrement.

L’enseigne Optic 2000 s’est engagée en faveur de plusieurs causes, notamment le Téléthon. Que retirez-vous de ces initiatives ?

MC : le principal bénéfice de ces opérations est réalisé en termes d’image. A l’échelle de ma commune d’activité, l’initiative du Téléthon est particulièrement suivie, et cela se ressent sur la façon dont est perçue l’enseigne Optic 2000. Néanmoins, il nous est impossible de savoir si cela a une influence significative sur le volume d’activité. Cela facilite notre communication et nos échanges vis-à-vis de notre clientèle sur des sujets auxquels ils sont sensibles. D’autant plus que les actions d’Optic 2000 sont visibles au niveau local. Les bénéfices en termes d’image vont d’ailleurs principalement aux magasins qui mettent en œuvre ces actions, plus qu’à l’image de la chaine de manière générale. Quoiqu’il en soit cela reste très positif pour nous.
 
GP : C’est très positif en termes de réputation, notamment depuis la bascule d’une campagne de communication « people » vers une campagne faisant intervenir des personnes correspondant plus à notre éthique du métier. C’était vraiment une chose à faire. Les nouvelles figures auxquelles le groupe fait appel nous permettent de toucher un public plus large. Les messages véhiculés sont beaucoup plus cohérents avec notre conception du métier et les valeurs que nous portons. Sur les deuxièmes paires par exemple, un euro, qui représente le coût symbolique de cette paire, est reversé au Téléthon. Nos clients le savent et apprécient le geste. Cela nous permet de nous démarquer de nos concurrents en donnant un aspect « engagement et action caritative » à notre enseigne.

La « philosophie coopérative » est-elle vraiment perçue par les clients de l’enseigne ? Qu’est-ce que cela change pour eux, concrètement ?

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MC : La majorité de ma clientèle n’a pas conscience de la philosophie de la structure qui se trouve derrière l’enseigne Optic 2000. Il existe encore une certaine confusion avec le modèle des franchises que j’ai justement souhaité éviter en m’engageant aux côtés d’Optic 2000. Néanmoins ma clientèle a vite compris qu’il existait des différences, en termes d’offre tarifaire et de qualité, par rapport à la concurrence. En témoigne le retour de plusieurs clients, partis vers la concurrence il y a quelques années, et revenus depuis mon passage sous enseigne Optic 2000. Nous avons en plus l’argument de proximité, qui est une des raisons d’être du maillage de magasins Optic 2000 en France.
 
GP : Aux clients qui nous posent la question, nous expliquons que le choix du modèle coopératif nous permet de rester seuls maitres à bord de notre magasin. Nous expliquons également que nous ne sommes pas uniquement des employés, mais que nous sommes associés au groupe. Au niveau de l’opticien, cela se traduit par un engagement peut-être plus conséquent, parce que nous restons totalement responsables des résultats et de la qualité de service de notre magasin, tout en partageant la responsabilité de l’image du groupe. Cette implication des opticiens du groupe se ressent en termes de fidélisation de la clientèle, ce qui nous fait dire que cela a véritablement un impact auprès de clients.

Geoffrey Pionica devant son magasin de Camblanes